Leave your atom

par Samuel Desnoës

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29 janvier 2022, 11:42

Petites phrases anormales

J'avais - encore - été heurté par cette répartie de Macron à une personne venue lui exposer son point de vue lors d'un déplacement présidentiel il y a quelques jours : "Vous êtes très politisé, vous !"

Et de me dire que ces quelques mots, on pouvait les opposer sans autre argument à n'importe quel contradicteur (mais surtout au quidam pénible quand on est en difficulté face caméra). Comme si avoir une opinion argumentée décrédibilisait immédiatement l’individu social ordinaire. "Vous êtes un citoyen, vous ne devez pas avoir d'opinion..."

Un rêve de politicien au pouvoir : être le seul à savoir ce qu'il faut faire et que tous les autres se contentent de suivre.

Un bel article de Gee, à ce sujet : https://grisebouille.net/le-grand-public-nexiste-pas/

29 janvier 2022, 10:57

Violence chiffrée

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"Cette trentenaire ne connaissait pas l’enfant qu’elle a agressé. Le petit garçon a subi l’équivalent de deux jours d’ITT." peut-on lire dans les actus de 20 minutes aujourd'hui.

Au delà de l'intérêt - déjà discutable - de cette information, ce qui m'arrête c'est ce chiffrage : "2 jours d'ITT". Cet acronyme qu'on voit systématiquement apparaître en relation avec des actes violents est celui par lequel on semble juger de sa gravité.

Est-ce qu'étrangler le même enfant pour un seul jour d'ITT aurait été moins grave ? Il semblerait que oui : 1 < 2 ! Puisqu'il faut quantifier : étrangler un adulte, c'est moins ou plus grave ? Et une grand-mère ? Et une grand-mère noire ? Un flic ?

Évaluer ça en Incapacité Totale de Travail, ça a un sens ? Le temps de travail, c'est donc la seule valeur capable d'être mise en regard de la gravité d'un acte subi ? Comme si l'acte violent lui-même n'avait plus aucune gravité en soi : il est grave parce qu'il entraîne une certaine durée d'improductivité. En faire l'information principale et en éprouver un certain soulagement : 2 jours, c'est beaucoup, certes, mais "c'est pas tant que ça".
Et c'est surtout là que c'est écœurant cette quantification très formatée de la gravité, tout droit issue du monde de l'assurance, de la "gestion du risque". Elle minimise l'impact, elle normalise l'inacceptable.

Et l'enfant, il va comment, maintenant, quand il croise quelqu'un dans la rue ?

Illustration : Charl Folscher pour Unsplash

28 janvier 2022, 17:43

Restons légers...

03 janvier 2022, 19:45

Marchands du temps

Un jour, il faudrait se demander ce qu'on nous achète, au juste, quand on nous paie pour travailler.
De la "force de travail" ? Des compétences ? Au temps de la robotisation et de l'IA, ça semble bien peu...

Et si ce qu'on nous achetait, c'était tout simplement du temps. Du temps de vie.

Le Capital n'a-t-il pas d'ailleurs explicité le principe depuis des lustres : "Le temps, c'est de l'argent" c'est devenu proverbial. Peut-être qu'on ne le prend pas suffisamment au pied de la lettre.

Nous faisons de l'argent avec le temps : nous vendons le notre.

Et c'est une denrée suffisamment appétante que, pour ce qui reste de temps libre, c'est à qui tentera de le siphonner : séries plutôt que films (mais films quand-même, on ne sait jamais), jeux addictifs et chronophages, loisirs de masse toujours plus variés même si beaucoup se ressemblent, voyages (de préférence à l'autre bout de la planète), plus de puzzles que de peinture, des publicités imposées toujours plus longues en échange de contenus toujours plus "divertissants", des réseaux "sociaux" qui tentent d'imposer une vigilance permanente, des centres commerciaux gigantesques dont la visite intégrale suffit à épuiser la journée, voire le week-end...

Nous ne pouvons avoir de temps libéré. C'est indécent, inutile, puéril et antisocial.
Il faut tuer ce temps-là : notre temps libre doit être occupé, rempli. Ne surtout pas risquer l'ennui. Se jeter sans tarder dans n'importe quel dérivatif insipide, trépidant et si possible coûteux (entendez par là "rémunérateur" pour l'acheteur de temps) et ainsi justifier le fait qu'on doive vendre plus de temps (ou plus cher mais ce n'est pas forcément à la portée du commun) et retourner au travail.

Il y a pourtant tout un tas de vertus au vide qui semble menacer dans ce terme de "vacances" qu'on nous propose de prendre tout en s'empressant de nous les remplir de projets de divertissements aussi industriels qu'outrancièrement fardés.
La première de ces vertus, c'est d'avoir le loisir de réfléchir à ce qu'on pourrait en faire.
La seconde, peut-être, c'est la liberté.
Et c'est sans doute ça qu'on appelait vivre, à l'origine.
Vraiment.

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Deliciously old shool, isn't it ?