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par Samuel Desnoës

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10 octobre 2023, 08:20

Écriture inclusive et fragmentation sociale

J'essaie ici de mettre au clair mon opinion sur l'usage des écritures inclusives, point médian et autres tentatives de faire passer la diversité dans les modes de pensée contemporains.

J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'évoquer le sujet avec des amis "gauchistes" et je me suis senti mal à l'aise en constatant que nous avions à ce propos des disparités d'opinions. Pourquoi ? Parce qu'il semble communément admis que seuls les réactionnaires sont contre l'usage de l'écriture inclusive ; ce qui fait éventuellement de moi un réactionnaire aux yeux de ceux dont l'opinion compte pour moi.

Si je n'ai aucun problème avec la partie des préconisations qui consiste à préférer l'usage de termes non-genrés (l'utilisation de "humains" en lieu et place de "l'Homme") ou à féminiser les titres, métiers, et fonctions (la "cheffe de cabinet" ou l'"écrivaine"), l'usage du point-médian ("le.a chanteur.se" et les changements de règles d'accord des adjectifs ("les garçons et les filles sont belles", accord de proximité) me semblent plus problématiques.

L''argument principal est le suivant :
Le langage permet de penser : inclure la diversité dans la langue permet de forcer sa prise en compte dans la pensée.

Je vois la chose autrement : si la prémisse est juste, je pense que la conclusion n'est pas si évidente. D'abord parce qu'en réaction à l'usage du point médian, on a pu trouver : "En tant que personne non-genrée, je me sens exclue par l'usage de "auteur.e", il vaudrait mieux utiliser un nouveau mot comme "auteurice"". Si on peut l'entendre, on voit difficilement comment trouver une manière d'intégrer toutes les diversités dans la langue sans en exclure aucune... Il faut réinventer un vocabulaire, une syntaxe, ce qui est évidemment possible, mais nie la prémisse évoquée précédemment : comment continuer de penser en ayant changé tous les codes qui permettaient de l'exprimer ? D'un changement aussi brutal résulterait , au moins dans un premier temps, une fragmentation à mon avis irrémédiable : ceux qui peuvent intégrer les nouveaux codes sans trop de dommages et les autres (souvent déjà en difficulté avec la langue), ostracisés dans leur expression, qui finiraient par se trouver réduits au silence par peur de "passer pour un con" ou pour un réactionnaire.

La langue est une norme qui nous unit et nous permet de communiquer et donc, peu importent ses règles, après tout. Mais les modifications majeures qu'on lui apporte devraient aller dans le sens d'une simplification. Il me semble que le point médian et l'invention de nouveaux termes par contraction de toutes leurs formes précédentes n'en sont pas une ("iels" ou "celleux").

Pour moi, il s'agit un peu de faire une révolution sans la faire : changer tous les codes du langage peut aussi être un moyen commode d'empêcher de penser tout changement, et d'organiser toute action vraiment révolutionnaire. On voit trop comment l'expression politique est devenue exclusivement affaire "d'éléments de langage"... Dire les choses et les penser sont communément devenus deux concepts distincts et il est amusant de voir avec quelle virulence la "pensée de gauche" main stream veut les faire se répondre.

Allons donc vers l'universalisme et non vers l'expression simultanée de l'ensemble nos différences : oui aux termes génériques mais non au point médian...
J'espère que ça ne fait pas de moi un réactionnaire.

Edit du 31/10/2023 : Les hasards de l'actualité font que notre bon Manu, dans son discours à Villers-Cotteret semble être d'accord avec moi et j'en suis ennuyé.

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