Leave your atom

par Samuel Desnoës

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Archives #technologie

2025

12 novembre 2025, 18:58

I(ncapacitation) A(utomatisée)

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Photo de Jezael Melgoza sur Unsplash

Ma boussole pour évaluer les technologies qui font leur apparition dans les usages grand-public est toujours la même : "Qu'est-ce qu'elles m'apportent ? Quelles sont les contreparties ? Sont-elles (les technologies) durables ?"

Le marketing se fait toujours avec les mêmes arguments : Efficacité (plus vite, plus loin, plus fort), confort (moins de difficulté, de douleur), sécurité (moins dangereux). Jusqu'à une époque pas si éloignée, elles nous proposaient de nous aider à faire (plus vite, avec moins d'effort et moins de dangerosité) les tâches quotidiennes, qu'elles soient de la sphère privée ou de la sphère professionnelle.

L'efficacité nous promettait de faire plus pour moins d'effort : on a juste fait autant qu'on pouvait (plus effectivement) avec la même quantité d'efforts que précédemment.
Le confort nous promettait une vie moins difficile : nous ne supportons plus aucune difficulté, aucune frustration, tout en étant de plus en plus stressés par notre environnement quotidien.
La sécurité nous promettait moins de danger : là encore, elle nous a juste déshabitués à l'idée du risque inhérent à toute activité (et qu'aucune mesure ne supprimera).

Depuis plusieurs années, autour de 2020 je pense, on nous propose de faire à notre place : voiture autonome, systèmes informatiques opaques ("cloud", IA partout, IA pour n'importe quoi), sélection algoritmique. On pouvait certes s'y attendre mais faut-il s'y résigner ?

Un écosystème de l'addiction (encore...)

Ce fonctionnement questionne à plusieurs niveaux : en tant qu'individu, ai-je vraiment envie d'être dépossédé de ma faculté de faire des choix ; ensuite, éthiquement, que fais-je de mon libre arbitre si toutes les décisions sont prises pour moi par une entité exogène ? Enfin, psychologiquement, suis-je prêt à vivre dans un monde où il me faudra me demander sans arrêt si telle œuvre est celle d'un humain sensible ou d'une machine qui singe l'artiste, si telle réalisation est l'accomplissement d'un homme par le travail (intellectuel et physique) qu'il a fourni ou bien l'exécution d'une série d'instructions plus ou moins automatisées par un robot (dévaluation du travail et donc du résultat) ?

Je pense que s'il y a tant de personnes tentées par ces aventures, c'est parce qu'en réalité les technologies en question reposent sur le pari d'une addiction (c'est sans doute pour ça que les premières doses de ces extraordinaires gabegies de matériaux et d'énergie sont souvent gratuites). Ne pas faire de choix, c'est ne pas avoir à assumer leurs conséquences ("c'est pas moi, c'est ChatGPT !"). Et c'est bien là la partie addictive de la chose : l'inconfort de la responsabilité dilué par l'externalisation de sa cause.

En résultat immédiat, il y a au minimum infantilisation de l'individu. Mais au pire, il y a un anéantissement du sujet agissant : incapable de prendre une décision, d'opérer un choix, de fonder une opinion. Réduit qu'il en serait à demander à l'outil de le décharger d'une pression mentale qu'il ne supporterait plus, de le décharger de la corvée de penser.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?

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