Un jour, il faudrait se demander ce qu'on nous achète, au juste, quand on nous paie pour travailler.
De la "force de travail" ? Des compétences ? Au temps de la robotisation et de l'IA, ça semble bien peu...
Et si ce qu'on nous achetait, c'était tout simplement du temps. Du temps de vie.
Le Capital n'a-t-il pas d'ailleurs explicité le principe depuis des lustres : "Le temps, c'est de l'argent" c'est devenu proverbial. Peut-être qu'on ne le prend pas suffisamment au pied de la lettre.
Nous faisons de l'argent avec le temps : nous vendons le notre.
Et c'est une denrée suffisamment appétante que, pour ce qui reste de temps libre, c'est à qui tentera de le siphonner : séries plutôt que films (mais films quand-même, on ne sait jamais), jeux addictifs et chronophages, loisirs de masse toujours plus variés même si beaucoup se ressemblent, voyages (de préférence à l'autre bout de la planète), plus de puzzles que de peinture, des publicités imposées toujours plus longues en échange de contenus toujours plus "divertissants", des réseaux "sociaux" qui tentent d'imposer une vigilance permanente, des centres commerciaux gigantesques dont la visite intégrale suffit à épuiser la journée, voire le week-end...
Nous ne pouvons avoir de temps libéré. C'est indécent, inutile, puéril et antisocial.
Il faut tuer ce temps-là : notre temps libre doit être occupé, rempli. Ne surtout pas risquer l'ennui. Se jeter sans tarder dans n'importe quel dérivatif insipide, trépidant et si possible coûteux (entendez par là "rémunérateur" pour l'acheteur de temps) et ainsi justifier le fait qu'on doive vendre plus de temps (ou plus cher mais ce n'est pas forcément à la portée du commun) et retourner au travail.
Il y a pourtant tout un tas de vertus au vide qui semble menacer dans ce terme de "vacances" qu'on nous propose de prendre tout en s'empressant de nous les remplir de projets de divertissements aussi industriels qu'outrancièrement fardés.
La première de ces vertus, c'est d'avoir le loisir de réfléchir à ce qu'on pourrait en faire.
La seconde, peut-être, c'est la liberté.
Et c'est sans doute ça qu'on appelait vivre, à l'origine.
Vraiment.