Evidemment, un film de cinéma n’est pas à proprement parler un témoignage historique (en tout cas, pas ce qui nous est donné à voir, les éléments de réalisation, sa manière d'être, peuvent cependant donner quelques renseignements sur le moment qui l'a vu naître), mais j'imagine la scène finale des Sept Samouraïs, comme certains convois des westerns de John Ford (tiens, des films de paysans, et de conquêtes), assez proche de la réalité de ce que peut être la mise en oeuvre collaborative d'une corvée dans une société pré-industrielle.
La vie revient après l'anéantissement des ennemis, et il faut se remettre au travail, répétitif et immuable, des champs. On y est soumis.
Quand la survie passe par un travail obligatoirement collectif et particulièrement pénible, la motivation passe par l'égalité (pas dans la tâche, mais en tout cas, de la pénibilité) et l'oubli, d'où cette mise en chorégraphie de chacun des mouvements. Sur les plans, on voit toute la hiérarchisation des tâches : à l'arrière plan, différentes étapes de la préparation des parcelles en eau, au premier plan, les gestes (plantation et déplacements, tous mesurés), dans un espace identique (l'idée du tatami, surface de base), où chacun se meut et travaille dans des conditions optimales, l'efficacité étant obtenue pas la synchronisation, la synchronisation par l'obéissance, l'obéissance par la musique.
Pour Platon, elle a deux natures : disciplinante et émolliente.Le tambour et la flûte. Le corps qui se dresse et celui qui s'affale. Ici, la fonction disciplinante est évidente. Coordonner les tâches, encourager, rythmer. Elle l'est aussi dans toutes les formes de marche, sur le pont des bateaux pour hisser les voiles ou tirer les rames, elle l'est encore, portée à l'effroi dans une transe mystique et collective, par Stravinski dans Le Sacre du Printemps (mais il n'est plus là question de travail)...
Archéologique, cette scène, témoignage historique, même relatif, parce que Kurosawa, tout au long du film, n'abuse pas de la musique. Et celle qu'il utilise s'inspire des films américains. Il garde la seule musique vernaculaire pour cette ultime liesse. Et c'est une musique de travail.
Répétition, soumission, obéissance, marche, effroi, le rythme, c'est le cœur.
21 avril 2016, 21:50
Le caché
"Les appartements privés cachent les chagrins ; les fards réparent les violences conjugales ; les allures imposantes masquent les soumissions dans les alcôves ; les fortunes dissimulent la cruauté ; les arts la perte ; la musique un silence de mort". Pascal Quignard
19 avril 2016, 13:03
Quatrain
Demain je saurai,
Terre de Feu,
Où je veux
Aller
09 avril 2016, 18:00
Dans un sens...
... ou dans l'autre.
Je me rappelle de me souvenir.
Se rappeler.
Se souvenir.
Douche. Longue et brûlante. Qui a dit qu'il fallait prendre des bains parce qu'on ne réfléchit pas sous la douche ? Passée à me demander la différence entre (se) rappeler et (se) souvenir...
Plus que du sens, c'est, je pense, une direction. Les deux ne regardent pas le même objectif. L'un se tourne vers ce qu'il y a à faire, l'autre vers ce qui a été fait. L'un précède l'autre.
Leur seul point commun, la mémoire. Mais son usage est très différent.
L'un propose la reformulation, puis l'habitation, de l'expérience, l'autre attise ce qui n'est pas encore advenu...
Les deux se battent contre l'oubli. De ce qui a été, ou de ce qui a été annoncé.