Leur problème est le suivant : ils veulent de plus en plus de clarté, ils prétendent tout montrer, veulent tout voir, comprendre au premier regard, lancent à qui veut les entendre de définitifs "moi, je suis comme ça", mais passent leur temps à ne faire confiance à personne, à être les seuls clairvoyants dans l'obscurantisme, et se persuadent que tous les autres mentent en permanence...
Whooo, petit égo, il n'y a pas que toi qui sais faire les choses, et, qui plus est, tu ne les fais pas toujours très bien. Et sur la scène sociale, tout le monde ne fait pas ce qu'il veut, ne le fait pas tel qu'il le veut, ni quand il le veut, ni exclusivement pour lui-même...
Il n'existe pas de chose simple. Rien ne s'appréhende en une phrase.
Pour ma part, tu ne me verras jamais "tel que je suis", non, je ne dirai jamais "je suis comme ça, c'est à prendre ou à laisser", justement parce que mon interface sociale me l'interdit, et c'est bien normal.
Vivre avec les autres, c'est se contraindre.
Je n'ai pas la prétention de vivre en pleine clarté. C'est d'ailleurs un truc de psychopathe, (cf la chanson "le départ des ombres", de Dominique A, sur la vanité de vivre dans une lumière totale).
J'ai une part de moi qui me nourrit, qui a besoin d'ombre, de silence, de solitude, de repli, d'extraction, ça s'appelle l'intimité, ou la vie privée.
Et elle est très malmenée par ce goût obsessionnel pour le dicible et le dicernable, le pseudo-compréhensible enfantin, fondement de l'usage de "média sociaux" (la terminologie elle-même devrait vous mettre en garde), la surexposition, la surveillance, le commerce de nos traces...
"La vie privée, ce n'est pas ce qu'on dissimule, c'est de l'espace non public, quelque chose dont nous avons besoin ensuite pour jouer notre rôle sur l'agora. Elle est aussi vitale socialement que le sommeil l'est biologiquement". Jean-Claude AMEISEN.
Si donc, au jour le jour, la personne que je vois colle réellement au propos "je suis comme ça, c'est à prendre ou à laisser", alors, quelle pauvreté...