Saisies

par Nicolas Rivet

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26 novembre 2014, 14:37

Vanité. Ou presque.

Je n'aurais jamais dû faire autre chose que ce que les évidences (entends-tu leur gros rire mesquin te rappeler qu'elles t'avaient prévenu, et leurs mains qui te collent toujours plus fort contre le bitume) imposent :
me soumettre au mouvement du rouleau qui avance.
Mon coeur se soulève. En vain. Il peut pleurer.
Mon ventre se soulève. En vain. Il peut vomir.
Mon poing se soulève. En vain. Il déchire de l'air. Et l'air se referme sur lui.
Les évidences, les entends-tu brailler ? Elles hurlent les évidences, ça les énerve qu'on ne s'y soumette pas. Aiguës comme les tempêtes, graves comme la terre qui gronde, elles n'en finissent pas de se répéter.  Puisqu'elles répètent que tout est déjà là. Avant de commencer. Que ça ne sert à rien...
S'il n'y a rien à attendre, pourquoi même essayer ?

Parce que rien, c'est peut-être déjà quelque chose.
Rien, c'est peut-être une promesse. Déjà.

21 novembre 2014, 15:33

Banquise

J'ai fait le tour du monde.

Tous les pays, je les ai vus.
J'ai marché, j'ai eu mal, j'ai veillé, j'ai eu peur.
J'ai vu, de très haut, l'horizon sous mes pieds. Le vent me pliait. Le froid me giflait.
J'ai entendu mille cascades se fracasser à me rendre sourd. J'ai crié plus fort qu'elles. Leur brume inondait le ciel.
J'ai senti des gibiers invisibles. Soudain mon pas les faisait fuir. Des grognements parfois ont eu raison de mon courage. J'ai tremblé. Voulais paraître brave. J'étais ridicule. Invisible.
J'ai fait demi-tour. Je suis allé plus loin. J'ai souvent hésité. Je me suis convaincu. J'ai renoncé.
Je suis descendu dans l'ombre de grottes froides, humides, sonores. Leur paroi grasse avait le goût des siècles. J'ai appelé. L'écho était mon frère.
J'ai touché des écorces. Me suis coupé. Fait rouler des cailloux, blanc, roses, bleus, noirs, ronds, tranchants.Dessiné dans le sable, écrit les noms de ceux... 
Léché la glace. Laissé la trace de ma piste dans les herbes hautes. Gravi des marches de géants. Plongé. Réapparu ailleurs. J'ai perdu l'équilibre. Vu le vide sous moi. Sa bouche qui aspire.
J'ai hurlé ma solitude. Je l'ai tue.
J'ai parlé tout seul. Haï le vent dans mon visage. Arrêté de respirer. Avalé de l'eau. Toussé. J'ai chié. Vomi à rendre gorge. Vidé mes tripes des poisons de la terre. 
J'ai eu froid. J'ai brûlé. J'ai perdu patience. J'étais désespéré. J'ai attendu le soleil sous une feuille. La pluie m'amusait. Le matin tardait. Le brouillard le gardait. 
Les nuages se déchiraient. L'horizon tremblait. Le soleil paraissait. J'ai ri avec lui. Je le perdais le soir. Je lui parlais.
Les étoiles. Mes soeurs. Je voyais tes yeux partout. J'ai chanté. Le son montait. Il flotte encore. Des milliers de chants convergeaient. Prière immense. Je tremblais.
 Quelqu'un me suivait. On me regardait. J'étais sûr de ne jamais être seul. J'avais besoin de parler. Je cherchais le silence. Je fuyais. Je courrais vers la rive. Vers le sourire des hommes. Les bras des femmes. Je repartais. Je n'avais rien à dire. Ils me disaient le monde. J'écoutais. J'étais riche. Je suis riche. 
 Je voyais des bateaux. Des maisons. Hautes, rondes, en bois, en ruine, sur le haut des montagnes, sous la mer. Des cheminées fumaient. Des portes ouvertes m’enivraient de parfums. De cuisine, d'enfants, de propreté, de passions, de mort.
J'imaginais. Je voyais. J'imaginais toujours. Encore. Je ne connaissais rien.
Je souriais. Ils passaient. Leurs yeux riaient. M'interrogeaient. Se moquaient. Me chassaient.
Je n'étais rien. Une crainte vague, un vent de mai, le bruit d'un pas, une nouvelle, un mot, une couleur.
J'étais une couleur. J'étais un chiffre. Un. Ça n'avait pas de sens. Rien n'en avait. Les mots d'une chanson. Un oubli. Un passage. Un insecte traversant une route. Je n'étais rien. J'étais la terre. Entière.
J'ai fait le tour du monde.
Tous les pays, je les ai vus.

J'ai posé ma valise. Sur le palier. Refermé la porte de l'appartement. Je suis de retour, donc. Ici. Chez moi. C'est vide. Polaire. Plongé dans l'obscurité des mois. 
A genou. Je pleure. Doucement. Surtout ne déranger personne.


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Deliciously old shool, isn't it ?