Toujours en harmonie avec Quignard (hormis sur le fait que, oui, Quignard voit du sexe partout, des fois, c'est lourd)
Quignard dit appréhender le Réel par le silence.
Le langage fait disparaître le Réel, il fait naître le faux et le vrai, en inventant la ligne de séparation entre les deux.
Le langage construit des motifs, des lieux, exogènes, de la réalité.
Le principe peut rejoindre celui de la nostalgie.
Des auteurs, d'Aznavour à Camus, disent que leur langue est leur pays ("j'habite la langue française").
Barbara Cassin théorise le langage comme le lieu où l'on habite, le lieu qui nous rend nostalgique quand on le perd, puisque ce qui caractérise le plus les nostalgiques, les "dépaysés", c'est de ne plus entendre leur langue natale (donc de ne plus être dans le lieu d'où ils s'étaient extraits du Réel).
La langue entendue comme lieu est congruente, si on entend le lieu comme une construction de l'esprit, une coloration de l'affect et de l'émotion.
Et on revient donc à l'assertion de Quignard : la langue, non contente de désigner le Réel, nous en extrait.
Ou, pour parler avec Heidegger, "le langage est le lieu où habite l'homme". Une petite niche de soi posée dans le Réel.